Le Canada de demain — Un Canada pour tous les Canadiens (juin 2012)

Nous avons besoin d’une vision cohérente du Canada de demain – une vision fondée sur de grandes aspirations et sur la foi en l’avenir, et non sur la crainte, la méfiance et les récriminations.

Les Canadiens ne semblent plus engagés dans le discours national. À peine 60% de nous votent aux élections. Nombreux sont ceux qui restent à l’écart parce que la politique nationale semble trop complexe et indifférente à nos vraies préoccupations. Nous avons largement cessé de croire que le gouvernement fédéral peut avoir un impact sur nos vies; nous avons cessé de croire que le gouvernement est capable d’être au service du peuple avec probité et efficacité. Nous croyons de plus en plus que seules des solutions locales peuvent répondre à nos défis.

En réalité, il n’en est rien. Un nombre croissant de Canadiens s’implique chaque jour auprès de différents groupes tels que les groupes confessionnels, les syndicats, les organismes à but non lucratif qui prônent le changement dans notre société et à travers le monde. L’Internet et les médias sociaux ont transformé l’exercice du pouvoir car de nouvelles voix se font maintenant vivement entendre. La démocratie ravivée par la cybernétique prend le relais de l’exercice politique par les partis qui sont, jusque à maintenant, les véhicules privilégiés d’expression publique de nos préoccupations les plus urgentes.

Le Mouvement des Indignés et les manifestations dans les rues du Québec révèlent clairement une chose : les citoyens canadiens ne sont pas indifférents aux enjeux de la société ou désengagés de la politique. Ils le sont plutôt par rapport aux institutions politiques traditionnelles qui font défaut au niveau du leadership et d’une gouvernance compétente. Ces mouvements envoient aux partis politiques un message clair : les partis doivent écouter et répondre aux attentes de tous les citoyens, et non pas d’une minorité choisie dans un cadre hiérarchique fermé, et tout le temps, pas seulement en période électorale.

Je constate l’insatisfaction croissante des citoyens devant les inégalités sociales. Les Canadiens contestent plusieurs injustices intrinsèques : les revenus des PDGs et des athlètes professionnels qui dépassent astronomiquement ceux de leurs employés et de leurs supporteurs; les politiciens qui s’octroient des pensions en or dont la majorité d’entre nous ne saurait même rêver, tout en prêchant l’austérité; le taux de chômage élevé parmi les jeunes alors que les investissements à long terme en éducation et en formation retiennent très peu d’attention par rapport au soutien à la retraite.

Les citoyens sont frustrés quand tous nos niveaux de gouvernements échappent à leurs responsabilités en se «passant la balle». Les parents d’enfants autistes peuvent en témoigner, eux qui revendiquent des services de santé comparables à travers le Canada. Les familles à faible revenus et les individus qui vivent au seuil de pauvreté peuvent également en témoigner quand leurs gains de revenus au travail se voient «compensés» par des coupures dévastatrices au chapitre des allocations pour le logement ou d’autres prestations. De nombreux citoyens autochtones vivent dans des conditions honteuses, pendant que les gouvernements se disputent à savoir qui en est responsable.

La façon de gouverner du gouvernement conservateur réussit dans la mesure où il sait limiter le plus possible les attentes des citoyens envers le gouvernement national, et dans la mesure où nous acceptons de demeurer indifférents. Le gouvernement se paie notre tête quand des dossiers cruciaux –  pipelines, sécurité vieillesse, et chasseurs F-35 – sont expédiés en marge des débats parlementaires et à l’abri de toute révélation d’informations inconfortables. Les responsabilités nationales – des évaluations environnementales aux régimes de retraites – sont transférées aux provinces, discrètement et unilatéralement, et le gouvernement fédéral se dérobe à toute intervention significative dans le domaine de la santé, se contentant de signer des chèques.

Le pouvoir est si concentré au bureau du Premier ministre que notre gouvernement national actuel ne fait pratiquement plus appel aux Canadiens. Nous sommes victimes de manœuvres politiques qui opposent l’ouest contre l’est, les villes contre les régions, les provinces riches en ressources contre celles qui ne le sont pas. On nous propose des choix factices entre plus ou moins de gouvernement, plus ou moins de taxes, entre l’énergie et l’environnement, la compétitivité économique ou la sécurité sociale, les ressources ou le secteur manufacturier, le fédéral ou le provincial.

Or nous ne sommes pas le pays divisé et ingouvernable dont nos élites politiques se réclament – notre diversité géographique et démographique est une source de dynamisme, non de conflit. La polarisation de la politique entre la gauche et la droite n’est pas ce que désirent les citoyens ordinaires; cette polarisation est engendrée par la manipulation désuète d’un gouvernement qui cherche à gagner à tout prix, alors que les Canadiens ne cherchent que des résultats. Il est grand temps d’instaurer une politique fondée sur des principes, et non sur une idéologie ou la simple gestion d’entités assez puissantes pour s’asseoir à la table politique.

Il nous faut un gouvernement qui parle pour le Canada tout entier et qui assume ses responsabilités en tant qu’instrument du peuple. Nous voulons une fédération plus fonctionnelle qui encourage et nécessite la collaboration active de tous les niveaux de gouvernement – fédéral, provincial, municipal, autochtone – afin que le gouvernement aide vraiment les Canadiens à relever les défis quotidiens : trouver et conserver un emploi décent avec une rémunération décente, élever nos enfants dans un environnement sain et sûr, prendre soin de nos aînés et de nos parents handicapés, et mettre du pain sur la table.

Les Canadiens veulent des investissements dans nos infrastructures sociales et une fiscalité équitable qui rétablirait justice et égalité, afin que nous soyons tous traités avec justice et respect, non seulement les uns par les autres, mais aussi par nos gouvernements.

Nous voulons une vision cohérente. Nous en avons assez des demi mesures aux conséquences nébuleuses légiférées sous couvert de lois omnibus : le gouvernement doit être responsable. Nous en avons assez de ce gouvernement manipulateur, sans principes, qui opère dans sa propre bulle : nous devons rendre le pouvoir au Parlement et au peuple.

Nous avons besoin de dirigeants qui comprennent comment s’exerce désormais le pouvoir à l’ère du numérique et des nouvelles formes que prennent les communautés d’intérêt parmi les citoyens. Les politiciens doivent établir le contact avec ces réseaux au moment de formuler leurs lignes d’action.

Nous devons raviver notre aptitude à travailler ensemble en tant que nation — redécouvrir notre esprit d’identité nationale commune et rétablir des pratiques fondées sur l’équité et le respect de tous les Canadiens — des aptitudes que trop d’années sans vrai leadership fédéral ont gravement affaibli.

Nous devons travailler ensemble à bâtir un Canada meilleur, un Canada qui mérite l’admiration du monde pour sa capacité à innover et son esprit compétitif, pour le respect de l’environnement et des communautés autochtones, pour notre engagement en faveur de la justice sociale.

Nous voulons bâtir une grande nation. Le Canada pourrait posséder tous les atouts nécessaires au progrès social et économique au 21ième siècle : des approvisionnements sûrs en énergie renouvelable; l’accès à l’éducation et à la formation; des soins de santé de haute qualité accessibles à tous; des infrastructures publiques qui favorisent une croissance durable dans le respect de l’environnement; des liens commerciaux vigoureux et des communications efficaces au sein d’un monde sans frontières; et une économie au sein de laquelle la compétition pour les investissements et l’emploi repose sur la recherche d’excellence, et non sur le plus bas dénominateur.

Le Canada représente les plus belles valeurs universelles – justice, diversité, règle de droit, libertés fondamentales, égalité des droits, et engagement à lutter contre la discrimination. Nous sommes en train d’apprendre à construire une société inclusive, cohésive, et ouverte sur le monde. Nous démontrons au reste du monde que la diversité n’a pas à mener à la fragmentation économique, culturelle ou politique, ou aux conflits violents. Nous sommes fiers et nous assumons notre place sur la scène mondiale, en favorisant la coopération globale afin de promouvoir un avenir plus pacifique et durable.

Le Canada est un pays de promesses, avec une population dynamique et reliée au reste du monde, et un potentiel humain extraordinaire qui ne cesse de s’accroître. Il est temps de réaliser pleinement ce potentiel en tant que peuple, de libérer cette extraordinaire énergie – les idées, les talents, la motivation. Parce qu’ensemble nous pouvons bâtir le Canada de demain: un foyer de prospérité, d’évolution durable, et de justice sociale. Un Canada pour tous les Canadiens.